ARTICLE | La taxonomie européenne : quels enjeux et opportunités ?

La taxonomie européenne : quels enjeux et opportunités ?

La mise en œuvre de la taxonomie européenne représente un vrai challenge pour les entreprises qui devront publier les premières informations dès 2022.

Son application demande un effort d’organisation supplémentaire pour les entreprises qui doivent sans perdre de temps se poser la question des outils et ressources dont elles disposent pour produire l’information demandée par cette nouvelle réglementation.
En effet, pour répondre aux attentes des investisseurs et être conforme à la taxonomie, les directions RSE, financières et informatiques des entreprises doivent coopérer pour identifier les informations à consolider. L’enjeu se situe également dans la mise en place d’un système de reporting agile et fiable qui va rapprocher les données RSE des données financières et permettre de reproduire l’exercice d’une année à l’autre.

Quelles sont les difficultés rencontrées pour la mise en place de la
taxonomie verte ?

Difficultés concernant le chiffre d’affaires :

La première difficulté rencontrée pour définir le chiffre d’affaires va se trouver du côté de la comptabilité. En effet, le choix de la norme comptable utilisée a un impact direct sur la présentation du chiffre d’affaires car il existe des différences entre les normes IFRS et les normes comptables locales. Les entreprises devront donc être vigilantes sur ce point.

La deuxième difficulté porte sur le découpage des ventes en activités puisqu’une même vente peut comprendre plusieurs activités qui ne seront pas obligatoirement toutes considérées comme des activités « vertes » au sens de la taxonomie. Les entreprises devront donc mettre en place des processus leur permettant de contrôler qu’aucune vente « verte » n’aura été oubliée ni comptée deux fois ou encore qu’une vente « non verte » n’ait été inclue par erreur dans le calcul final. Il faut donc à la fois bien définir le périmètre de base et la méthodologie de calcul utilisés, pour s’assurer de la fiabilité des informations remontées.

Enfin, la dernière difficulté porte sur l’application des critères de la taxonomie pour définir les activités durables de l’entreprise. Le groupe d’experts techniques de la Commission Européenne estime que tout le chiffre d’affaires contribuant à atténuer le changement climatique (1er objectif environnemental) doit être pris en compte dans la part « verte » du chiffre d’affaires, alors que le chiffre d’affaires des activités n’ayant aucun impact sur le changement climatique ou ayant déjà zéro émission nette de carbone ne doit
pas être compté si ces activités ne sont pas résilientes face au changement climatique.

Difficultés portant sur les investissements :

L’analyse des Capex éligibles à la taxonomie ne suit pas la même logique que celle permettant de définir le chiffre d’affaires. Selon le TEG, toutes les dépenses d’investissements contribuant à réduire le changement climatique sont éligibles, y compris celles qui concerne des activités qui ne seront pas résilientes au changement climatique.

Ensuite, les entreprises doivent tenir compte qu’un Capex est durable lorsque celui-ci permet à une activité de s’aligner avec la taxonomie européenne sous un maximum de 5 ans à partir du moment où l’investissement a eu lieu. De plus, le plan d’investissement doit avoir été adopté par l’organe administratif de l’entreprise et il doit être mis à disposition du public.

Les entreprises doivent communiquer des informations pertinentes sur les trajectoires d’alignement du chiffre d’affaires sur la taxonomie européenne et les dépenses d’investissements qui ont été mis en place pour y parvenir. Ces informations doivent être complétées par des explications et descriptions illustrant les méthodes utilisées pour
définir les trajectoires et investissements liés. Selon l’ESMA, les entreprises devront aussi fournir « des informations sur les facteurs de variation des actifs immobilisés au cours de la période de référence, en indiquant séparément la contribution de chaque facteur à la variation totale, ainsi que la part attribuable aux actifs / aux processus » pour permettre aux investisseurs de mieux comprendre ces éléments. Cette nouvelle réglementation doit amener les sociétés à adapter leur organisation interne pour réussir au mieux cet exercice.

Quels sont les éléments à prendre en compte pour s’aligner sur la
taxonomie verte ?

Les entreprises doivent considérer le caractère pluridisciplinaire de la mise en œuvre de la taxonomie européenne. En effet, la maîtrise du sujet demande au préalable qu’il y ait un rapprochement entre le contrôle de gestion et le département RSE ou développement durable de l’entreprise. Il convient également que la direction des systèmes d’information prenne part au sujet car pour effectuer ce type de reporting, il faut être en mesure d’adapter les outils disponibles ou de faire appel à de nouveaux outils afin d’avoir la capacité de réaliser le découpage des ventes et des dépenses d’investissement par type d’activité « verte » ou « non verte ».

Pour réussir au mieux l’exercice, il est vivement conseillé pour les entreprises de choisir un logiciel performant, capable de se connecter aux logiciels tiers et « tagger » les opérations en identifiant la part « verte » ou « non verte » des activités. Le but sera de faciliter la consolidation en vue de la publication de l’information. De plus, il est pertinent d’opter pour un logiciel qui garantit l’auditabilité des données afin de ne pas perdre de temps au moment de la vérification des données annuelles.

Enfin, il faudra s’assurer que la méthodologie et les processus utilisés permettent de rendre l’exercice pérenne, automatisé et réplicable à un rythme adapté à celui de l’entreprise. Pour que l’exercice soit vraiment complet, il faudra que l’entreprise puisse valoriser ces informations et les utiliser pour augmenter sa performance extra-financière.

Comment tirer parti de l’application de la taxonomie verte au sein de son entreprise ?

L’identification du chiffre d’affaires et des investissements alignés avec la taxonomie européenne donne aux entreprises un nouveau cadre d’analyse : celles-ci pourront analyser plus précisément la maturité de leur démarche RSE quant aux 6 objectifs définis par la Commission Européenne.

Cet exercice apporte une réelle aide au pilotage : les entreprises pourront rediriger leurs ressources vers des activités durables, car elles auront une meilleure visibilité sur l’allocation de leurs ressources et sur l’impact de leur activité. Avec les deux premiers objectifs environnementaux par exemple, l’exercice va dans le
sens de l’éco-conception des produits et activités. C’est l’opportunité pour ces entreprises de s’approprier ou se réapproprier l’analyse de cycle de vie de leurs produits et services. Elles peuvent ainsi viser, dès la naissance d’une activité ou en améliorant les activités
existantes, un niveau de durabilité compatible avec la taxonomie européenne.

De plus, la taxonomie européenne offre aux entreprises l’opportunité de réorienter leurs processus de reporting RSE puisqu’elles doivent extraire et utiliser de nouvelles informations. Les entreprises devront se poser la question de l’efficacité globale de leur système d’information. L’enjeu étant d’avoir un outil assez flexible pour permettre une remontée d’informations à la fois financières et extra-financière efficace, pertinente et sécurisée.

Enfin, l’application de la taxonomie verte va permettre aux entreprises de communiquer plus efficacement auprès de leurs parties prenantes et plus précisément pour leurs investisseurs sur leur niveau d’engagement environnemental. Elles vont utiliser un
référentiel et vocabulaire communs aux investisseurs, ce qui va permettre de simplifier leurs échanges sur le sujet. En prenant mieux en compte les attentes des investisseurs dans ce domaine, les entreprises pourront utiliser cet exercice à leur avantage : la
taxonomie verte représente un vrai atout pour la réussite de levées de fonds futures.